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Créer un musée alors que les combats font rage. C’est l’idée, qui peut sembler originale cent ans plus tard, que l’armée allemande va concrétiser à Maubeuge et qui est, en partie, l’objet d’une exposition au musée de la Chartreuse de Douai. « Face à la menace de destruction, l’armée allemande va décider d’évacuer les collections du musée de Saint-Quentin, dont celles de Maurice Quentin Delatour, à Maubeuge, tout cela dans un contexte particulier, de propagande », éclaire Anne Labourdette, conservatrice en chef du musée douaisien. La propagande : c’est bien là l’objet de cette création. Accusé de vouloir spolier les œuvres et de barbarie, notamment après l’incendie de la bibliothèque de Louvain (août 1914) et du bombardement de la cathédrale de Reims (septembre 1914), l’ennemi teuton, qui occupe Maubeuge depuis la capitulation de septembre 1914, souhaite véhiculer une meilleure image. En somme redorer son blason dans l’esprit collectif. « C’est très différent de la guerre de 1870. L’armement a évolué, l’aviation aussi. Il y a plus de destructions chez les civils. » Alors, quand les combats menacent Saint-Quentin, l’armée allemande évacue les œuvres. « Ça fait partie du Kunstschutz, service de protection des œuvres d’art créé par l’armée allemande, mis en place par Detlev Von Hadeln, lieutenant allemand et historien de l’art. »
Guerre dans la guerre Maubeuge n’est pas un cas à part. Partout en France, la même stratégie est adoptée, y compris du côté français. Mais la position sambrienne est stratégique. Occupée depuis trois ans, située près de la frontière, la ville n’est pas menacée. Seul hic, son musée, lui n’est plus. Il a été détruit lors des premiers bombardements d’août 1914. Les Allemands vont donc choisir un magasin du centre-ville pour installer les œuvres. Située au numéro 4 de la place d’Armes (actuelle place des Nations),
la grande boutique de trousseaux et lingerie "Au Pauvre diable" est retenue. Non content de stocker les œuvres, l’armée allemande va y recréer au printemps 1917 un véritable musée, ouvert aux militaires et à la population. « Il faut remettre dans le contexte d’une guerre longue. Après trois ans d’occupation, les Maubeugeois ont, entre guillemets, pris l’habitude, ont besoin de distraction. Si nous n’avons pas de chiffres, on sait que la population peu cultivée n’était pas sensible, mais la population éduquée l’était », poursuit Anne Labourdette. Expo sœur à Bavay Peintures, objets, sculptures, mobiliers, tapisseries… Les œuvres de Maurice Quentin de La Tour sont ainsi exposées jusqu’en 1919, année de leur retour au musée de Saint-Quentin. Une petite histoire dans la grande qui est actuellement racontée au travers de l’exposition « Sauve qui veut, 1914-1918, des musées mobilisés », dont le pendant archéologique est présenté au Forum antique de Bavay. Une façon d’en apprendre davantage sur cette guerre dans la guerre et sur une partie des préoccupations civiles et militaires en territoire occupé.
Source :
La Voix du Nord du 16/05/2014