Dès son origine, nous perdons la trace de l'aqueduc et c'est le patient travail de Chevalier qui nous permettra de le suivre jusqu'au " Mur des Sarrasins ", (restes d'un pont qui lui permettait de traverser la vallée du Ruisseau de la Braquenière).
Dans sa notice " L’aqueduc romain de Floursies à Bavay " 1833, l’historien décrit : "des sondages qui lui ont permis de retrouver le passage souterrain de l’aqueduc à Mont Dourlers près du passage de la route d’Avesnes, le long du chemin de la Croix où la dénivellation est encore visible et dans une pâture au Trieux Gaillon". Tous ces points sont situés entre les courbes de niveau 180 et 175. Le chemin de la Croix dont il est question dans cette citation est connu aujourd'hui sous le nom de rue d'Arouzies.
Le conduit devait franchir la vallée du Ruisseau de la Braquenière pour atteindre l'autre versant au sommet duquel se situe le "Mur des Sarrasins", vestige du mur de soutènement dont le niveau supérieur est à la cote 175,3. Le conduit qu'avait supporté ce vestige culminait à la cote 176.
Il est situé 500 mètres au nord de l'église de Dourlers. Ces ruines bordent un chemin vicinal sur une vingtaine de mètres. Elles sont constituées par le remplissage intérieur d'un mur, dont les parements extérieurs ont disparu. Larges d'un mètre, elles s'élèvent à près de deux mètres au-dessus du chemin, au niveau 175,35 (planche 2
ci-dessous). Plus à l'ouest, la base de ce mur affleure dans l'axe du chemin, sur près de soixante mètres.
Au point le plus bas de la vallée, le ruisseau est à la cote de niveau 159, soit une dénivellation de 7 m.
L'absence totale de vestiges ne permet pas de décrire avec précision le procédé qu'utilisèrent les romains pour franchir cette dénivellation. S'agissait il d'un pont aqueduc ou d'un siphon?
Les romains connaissaient le principe des vases communicants et maîtrisaient parfaitement la technique d'utilisation du siphon.
Cette dénivellation n'a pu poser le moindre problème aux hydrologues romains, sachant que l'aqueduc d'Alatri à 70 km de Rome construit en 90 avant JC comportait un siphon ayant une flèche de 100 m.
Il s'agissait donc probablement d'un siphon constitué de tubes de plomb, enjambant le ruisseau et qui épousait la dépression de la vallée.
Coupe de l'aqueduc à Dourlers par Chevalier.
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Localisation satellite du Mur des Sarrasins à Dourlers.Le siphon n'était certes pas posé directement sur le sol et devait être complètement isolé par un épais revêtement isolant capable de tenir le conduit hors gel en période d'hiver.
Le fond de l'aqueduc était quant à lui constitué par des briques longues de 50 cm, larges de 40, avec des rebords latéraux hauts de 10 cm. Sur ces rebords étaient disposées des briques carrées, rainurées sur une face suivant leurs diagonales (1) et formant le parement intérieur du massif de moellons bruts et de mortier qui constituait le canal. Il était couvert de pierres plates d'environ 12 cm d' épaisseur.
(1) Chevalier parle de briques triangulaires réunies par leur sommet, mais cette disposition nous fait plutôt penser à l'utilisation de briques rainurées semblables à celles dont nous avons découvert les débris à quelques kilomètres de là dans le Bois d'Ecuélin.
Quoi qu'il en soit, le franchissement de la vallée du ruisseau de la Braquenière constitue un intéressant sujet d'investigation pour les jeunes chercheurs amateurs d'archéologie.
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Planche 2, croquis du mur des Sarrasins par René Jolin
et ci dessous, le même secteur par Maurice Gravellini
Carte des vestiges répertoriés à Dourlers par Chevalier. (1833)
Il faut évoquer ici la découverte fortuite d’un tronçon de l’aqueduc faite en 1994 lors de travaux d’assainissement effectués par l’entreprise Morin d’Avesnelles à l’Est de Dourlers.
La découverte a été faite à l’angle de la route de Floursies et de la grimpette désignée sous le nom de Grand Chemin là où le sol est à la cote de niveau 179,4. Plan N° 6.
Le dessus des plaques de recouvrement du conduit, était à environ moins 0,90 m du niveau du sol. Il est donc permis par déduction de situer le niveau du lit d’écoulement de l’eau à la cote de niveau 178 compte tenu de la distance qui sépare le dessus de ces plaques, du fond du conduit et qui est de 0,67 m.
Cette découverte n’a pas été déclarée en mairie. L’entreprise Morin a probablement redouté la suspension des travaux qui auraient permis une étude plus approfondie des vestiges.
Ils ont cependant été longuement observés durant toute la durée des travaux par un riverain M. Pierre Tisseyre et également par M. Michel DeHost qui a déclaré l'avoir..."observé intact avec des parois en belles dalles en pierre bleue posées sur chant?... et recouvertes de dalles plates, également en pierre bleue....
L'excavation où ces vestiges se trouvaient enfouis a naturellement été comblée en fin de travaux.
Ce tronçon d'aqueduc pourrait aisément être remis au jour et permettre une étude plus approfondie de sa structure.
L'aqueduc se développait donc au sud de la courbe de niveau 180. Il s'en éloigne progressivement pour garder la pente requise pour un bon écoulement de l'eau.
Le mur des Sarrasins à Dourlers.
Le parcours de Floursies à Ecuélin.
Plan N° 6 de Maurice Gravellini. Voir en grand format.
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La cote de niveau 180
Il n'a jamais été possible de situer exactement le circuit qu'adoptèrent les
romains pour faire progresser l'aqueduc au delà du Mur des Sarrasins.
Des niveaux de terrain élevés se développent sur une ligne de crête, au sud du
"Bois du Comte" et semblent avoir pu faire barrage à sa progression.
Les romains furent confrontés à ces obstacles qui culminent à la cote de niveau
180 soit 6 m au dessus du niveau requis pour mener à bien la progression.
Des prospections effectuées sur le terrain en vue d'identifier un éventuel
passage souterrain ont finalement abouti à la découverte d'un secteur de prairie
situé sur le territoire de St Aubin où subsiste un énorme monticule de terre, témoin du gigantesque travail
qu'effectuèrent les romains pour ouvrir un passage en vue de faire progresser le
conduit vers le Nord.
C'était une haute et large langue de terre, proche des actuelles cotes de niveau
180 avec lesquelles elle se raccordait. (Plan N° 6 ci-dessus). Voir surtout le plan N° 8
ci-contre
représentant un extrait de ce secteur tel qu'il apparaît sur le plan IGN 2707
Est, Edition 1981 mais agrandi 15 fois.
Ce spectaculaire travail est resté en place après 20 siècles. Il apparaît
toujours sous forme d'un énorme monticule de quelques milliers de mètres cubes
de terre culminant au dessus du niveau du sol.
Ce travail est d'autant plus surprenant qu'il fut exécuté de mains d'homme dans
le seul but de ne pas avoir à percer un tunnel ou d'enterrer le conduit
profondément.
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D'autres part, pour éviter la construction du pont aqueduc qu'il eût fallu
construire pour rejoindre ce passage en franchissant la vallée du ruisseau qui
coule Nord Sud en direction de la rivière Tarsy, les romains firent progresser
l'aqueduc vers le Nord Ouest entre les courbes niveau 175 et 180.
Plan N° 8 de Maurice Gravellini.
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Ils lui firent ensuite contourner la source de ce
ruisseau avant de le faire redescendre vers le Sud Ouest en direction du
passage, repéré E, qu'ils avaient creusé dans la cote de niveau 180.
Les plans N° 6 et 17 montrent qu'en fait, le parcours s'est développé entre les
courbes de niveau 175 et 180 depuis le "Mur des Sarrasins" repéré D jusqu'au
point de passage repéré E.
La distance qui sépare ces deux points est de l'ordre de 2 km.
La cote de niveau du conduit au point D est proche de 176.
Celle du conduit au point E est proche de 174. Soit une différence de 2 m pour 2
km et donc une pente de 1 m/km.
Après le point E l'aqueduc se dirige vers le Nord à travers le "Bois du Comte".
Il contourne alors les dépressions du terrain, entre les courbes de niveau 170
et 165 en s'adaptant à son relief. Il passe sous le village d'Ecuélin entre les
courbes de niveau 165 et 160 pour contourner le petit étang repéré F, avant de
rejoindre l'extrémité Sud du secteur d'aqueduc reconnu par Vaillant et Haine sur
le territoire de Bachant en 1963. Plans 6 et 17 repère G.
A l'examen de ces plans, il est important de constater que ce parcours est tout
à fait conforme à la citation figurant dans les Mémoires de la Société
d'Archéologie d'Avesnes en date de 1880 et qui précise que " l'aqueduc passe
près du château d'Ecuélin et à l'Est de la Ferme de l'Hôpital".
Le réservoir de régulation
On notera que la distance séparant le passage repéré E du point où
l'aqueduc contournait l'étang repéré F, est de 3 km. En E le conduit était à la
cote de niveau 174 alors qu'en F il était à la cote de niveau 159. Il en résulte
une dénivellation de 15 m sur une distance de 3 km soit une pente moyenne de 5 m
/ km. Une pente importante qui justifie bien qu'un réservoir de régulation ait
été placé dans le cours de l'aqueduc comme l'a rapporté Z Pierrart dans son
ouvrage Maubeuge et son Canton - 1851 page 254. "Non loin de l'Hôpital
d'Ecuélin, à l'origine d'un ruisseau qui va se jeter dans la Sambre près de
Bachant, se trouve l'un des réservoir où s'alimentait l'aqueduc romain de
Floursies à Bavay."
Le Père Boucher ou Boucherius, qui au XVIe siècle a visité cet aqueduc, cite le
réservoir de la ferme de l'Hôpital dans son ouvrage. Belgium romanum, page 502
En réalité, ce réservoir avait pour fonction d'absorber l'afflux d'eau provoqué
par la forte pente du conduit en aval du point E, d'en déverser le trop plein
dans le ruisseau aujourd'hui confluent de la rivière des Voyeaux.
Il régulait donc un débit d'eau compatible avec le secteur de conduit qui se
développait ensuite sur les territoires de Bachant et de St Rémy du Nord et dont
la pente moyenne était de 0,600 m / km.
Pour bien réaliser l'importance du débit de l'eau en amont du point F où avait
été placé le réservoir, il faut réaliser qu'au confluent des trois sources que
les romains avaient captées à Flouries pour alimenter l'aqueduc, le débit de
l'eau est encore aujourd'hui proche de 100 m3 / heure.
En aval du réservoir trop-plein, le conduit progressait en direction du
Nord sur environ 800 m entre les courbes de niveau 155 et 160.
Au point G du plan N° 6, il rejoignait à Bachant l'extrémité Sud du secteur d'aqueduc
reconnu par J. Vaillant, P. Haine et J.L Boucly en 1962.
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