Source Gallica, Bulletin de la Commission historique du département du Nord - 1866, et annuaire statistique du département du Nord - 1838 (textes numérisés)
Solre le Château, noms anciens : Sorre-le-Chastel, 1186, J. de G., ann. du Hain. XII, 339. - Sorra-Castri. - Solra, chron. de Gislebert, 138. - Sorre, 1219 , Cart. de l'abb. d'Alne. - Sorre-le-Castiel, 1251, id., id. - Sorra-Castelli, 1349, Pouillé de Cambrai. - Solra-Castri, XIVe siècle. - Solre-le-Castiel, 1440. - Solre-le- Castiaul, 1463. - Solre-le-Castiau, 1482. - Solre-le-Casteau, 1525. - Solre-le-Chasteau, 1552. - Sor-le-Chasteau, 1613, Guicciardin, Descript. des Pays-Bas. - Solre-le-Château. - Solre-Libre, pendant la révolution.
Monuments : Pierres martines. Deux menhirs connus sous le nom de pierres de St-Martin, dans un champ à un kilomètre de la ville; séparés par un intervalle de trois mètres, ces monolithes mesurent, l'un 3 mètres de hauteur sur 5 mètres 04 de circonférence, et l'autre 1 mètre 08 sur 3 mètres de tour.
Forteresse : Traces de fossés et d'une tour ayant appartenu au château-fort qui existait déjà au XIIe siècle; beaucoup agrandi et fortifié dans le cours des XIVe et XVIe siècles, et démoli pendant la révolution.
Hôtel-de-Ville de Solre le Château : Bâtiment de la fin du XVIe siècle. Le rez-de-chaussée sert de halle. Les pierres formant clés de voûte de chacune des entrées, portent, en caractères gothiques sculptés, des sentences morales relatives au commerce; sur l'une d'elles, on lit la date de 1574.
Hospice et chapelle St-Roch : Seules constructions échappées à la démolition, en 1793, des anciens bâtiments de l'hôpital et de la Maison-Dieu, fondés à une époque assez reculée.
Eglise paroissiale : Édifice du XVe siècle, bien conservé, malgré divers désastres. L'abside, avec ses voûtes d'arêtes et ses fenêtres du style ogival primitif, paraît plus ancien que le reste de la construction. On y remarque de beaux vitraux de couleur portant la date de 1532; une statue en bois du roi David, servant de support à la chaire de vérité; quelques pierres tumulaires du commencement du XVIIIe siècle. Avant la révolution, elle renfermait de riches tombeaux élevés à la mémoire de seigneurs et dames du lieu. On trouve dans la tour une petite cloche fondue en 1260 et une grosse de 1612, rappelant, par sa légende, l'incendie de 1611 et la générosité des archiducs Albert et Isabelle ainsi que celle du comte Philippe de Croÿ, seigneur du lieu.
Le ler janvier suivant, un corps considérable de la même nation revint en ce bourg, mais la division du général Duhem, qui était cantonnée dans les environs, l'en chassa immédiatement, et le poursuivit jusque sous les murs de Beaumont.
Quatre mois après, les Autrichiens s'y présentèrent de nouveau, et, ayant réussi cette fois à s'en rendre maîtres, en firent le pillage.
Les Russes s'emparèrent aussi de Solre le Château, en février 1814, et s'y établirent. Le 8 mars de la même année, un détachement de la garnison française de Maubeuge y arriva dans le dessein d'enlever ou de détruire les magasins de l'ennemi. Il fit prisonniers la sentinelle et le poste, et ensuite, battant la charge, pénétra sans obstacle jusques sur la place. Là, quelques cavaliers tirent feu sur les Français, ceux-ci perdirent plusieurs hommes; néanmoins ils s'avancèrent encore, et mirent en fuite les Russes, qui, ainsi que leurs chefs, se cachèrent dans les maisons et jusque dans les caves. Le détachement toutefois ne put parvenir à son dessein, et s'en retourna à Maubeuge après avoir parcouru toutes les rues du bourg.
Avant la révolution, Solre le Château était des gouvernement, prévôté et subdélégation de Maubeuge.
En 1790, il fut compris dans le district d'Avesnes et désigné comme chef-lieu d'un canton composé de 18 communes, auxquelles on ajouta, en l'an X, cinq localités faisant précédemment partie de la Belgique et qui en furent distraites lorsqu'elles cessèrent, en 1815, d'appartenir à la France.
Depuis 1825, par suite de la réunion de deux communes à deux autres, le canton n'en comprend plus que 16, quoiqu'ayant conservé la circonscription territoriale fixée en 1790.
Ce bourg a pris, en 1818, le titre de ville.
Il est aujourd'hui le chef-lieu d'une justice de paix, d'un décanat, d'un bataillon de garde nationale et d'un bureau de l'enregistrement.
Le 13 juin 1815, Napoléon, se rendant sur la frontière, passa à Solre le Château.
Ce bourg a une population de 2559 habitans, y compris 400 indigens et 50 mendians.
Son territoire se compose de 1367 hectares, dont 372 en terres labourables, 583 en prés, 332 en bois, 8 en propriétés bâties, 68 en routes, chemins , rues , etc. , et 4 en rivières et ruisseaux.
On y cultive le froment, le méteil, l'épeautre, l'avoine, et a très petite partie les betteraves. Sa culture principale, en raison de la qualité inférieure du sol, est l'épeautre. La principale industrie des habitans consiste dans la fabrication des étoffes de laine, des cuirs, des clous, et dans l'engraissement des bestiaux.
Solre le Château possède 4 filatures de laine, dont 2 mues par la vapeur, 15 fabriques d'étoffes de laine, 3 clouteries, 4 tanneries, 1 fabrique de sucre de betteraves, 2 brasseries et 2 moulins à farine.
Hameaux et lieux dits : L'Epine. L'Ecrevisse. Le Bosquet. Le Calvaire. La Foulerie. Les Moulins de Borzies et de Groez. Les Pierres Martines. Les Bois Madame et du Chêneau. Salmonbois. Les Garennes. La Grande Couture. Le Traîneau. Les Golinettes. Monplaisir.
Habitations particulières : Deux maisons en briques, à étage, faisant légèrement saillie sur le rez-de-chaussée et supportées par de
petites arcatures à encorbellement; l'une, dans la rue des Soeurs, construite en 1570, et l'autre, dans celle de Liessies, élevée en 1574, sont des spécimens de l'architecture en usage à cette époque dans le nord de la France.
Faits historiques : Solre le Château existait au XIIe siècle; son château fort fut, en 1185, garni de troupes par le comte de Hainaut, Baudoin, pour résister à l'invasion de sa province par le duc de Brabant et ses alliés.
Il formait, en 1186, une paroisse du décanat d'Avesnes, à la collation de l'abbaye de Floreffe.
En 1473, le bourg fut dévasté et le château pris et brûlé par les troupes du comte et connétable de Saint-Pol, pendant que le duc de Bourgogne était à Amiens. Ce fut une des causes de la haine du duc contre le comte, haine qui, jointe à celle du roi de France, mena Saint-Pol à l'échafaud.
La seigneurie de Solre comprenait le bourg et le village d'Epinoy qui lui fut adjoint, en 1472.
Solre appartenait alors à Bauduin de Lannoy, seigneur de Molembois, chevalier de la Toison- d'Or, qui mourut en 1474 peu de temps après la prise de son château.
Cette terre tomba, au 16e siècle, au pouvoir de la maison de Croy, dont un des descendants, nommé Philippe, fut, en 1592, créé premier comte de Solre, par Philippe II, roi d'Espagne.
La guerre entre les Français et les Espagnols s'étant portée, en 1637, dans les Pays-Bas, Turenne attaqua si vivement le château que les ennemis, en peu d'heures, se rendirent à discrétion.
Quelques soldats amenèrent au vicomte, alors âgé de 26 ans, une femme d'une rare beauté. Il en fit chercher le mari et la lui rendit en lui disant : «C'est à la modération et à la sagesse de mes soldats que vous devez l'honneur de votre épouse.» On ne saurait trop admirer ce trait , qui témoigne de la haute vertu de son auteur.
En 1514, Philippe de Lannoy , seigneur de ce lieu , y fonda un hôpital dont il confia la direction à six sœurs-grises. Le couvent de ces sœurs prit, par la suite, tant d'accroissement qu'elles formèrent, dans les derniers temps, une communauté de 30 religieuses.
Solre le Château fut pillé, en 1651, par le général Rose, commandant des troupes allemandes au service de France. La guerre s'étant continuée les années suivantes entre la France et l'Espagne, le maréchal de Turenne, dès l'ouverture de la campagne de 1656, entra dans le Hainaut, s'empara de nouveau du château de Solre, et alla mettre le siège devant Valenciennes.
Solre fut cédé à la France, en 1678, par le traité de Nimègue, en même temps que Maubeuge.
Le 9 décembre 1793, un parti autrichien vint à Solre le Château , et y commit de graves excès; deux habitants furent tués dans ce désordre.
L'église de Solre le Château est une construction en pierre bleue du XVIe siècle, facilement repérable à son clocher penché.
Le 10 mai 1611, un incendie consuma l'ancienne flèche et une partie de l'église. Dans la remise en état de l'édifice, on substitua alors à l'ancien clocher (sans doute gothique) la belle flèche bulbiforme qui penche aujourd'hui la tête vers la place. Loin d'être un élément purement décoratif, le bulbe fut avant tout conçu comme un poste de guet à 360° qui permettait de surveiller plus particulièrement la route de Sars-Poteries, voie ordinaire des invasions françaises...
Le penchant de la flèche peut s'expliquer doublement ; d'une part, par les fortes intempéries qui ont pourri le bois et déstabilisé la charpente; d'autre part, par un défaut de fabrication au niveau du report des pièces de bois sur les murs périphériques et sur les corbeaux ancrés dans la maçonnerie à un niveau beaucoup plus bas… L'inclinaison du clocher ne remet cependant pas en cause son équilibre.
Toutefois, M. Charles Beaumont, membre de la Société archéologique et historique de l'arrondissement d'Avesnes, pense que le clocher de Solre le Château penche vers le sud-ouest par la volonté de son constructeur, Jehan Lecoustre, maître-charpentier de Beaumont (Belgique). Cette inclinaison aurait pour but de donner au clocher une position de défense contre les tempêtes qui viennent presque toujours du sud-ouest, pratiquement jamais du nord et encore moins de l'est. D'autres clochers de la région présentent le même "penchant", mais il est particulièrement net à Solre le Château du fait d'une part, des proportions flèche/tour, d'autre part, de la présence de quatre clochetons contigus parfaitement verticaux. Jehan Lecoustre reproduisit la même charpente, quelques années plus tard, pour l'église de Walcourt (Belgique).
Le clocher possède aussi une légende fort malicieuse… Jadis, les filles de Solre étaient très dévergondées; souvent, quand il leur arrivait de se marier, des marmots les attendaient à la porte en appelant leur mère. Or, un jour, une vraie pucelle se présenta à l'église pour convoler en justes noces. On affirme que le clocher en fut si surpris qu'il se pencha en avant pour mieux voir la mariée qui passait sous le porche, en robe légitimement blanche. En châtiment de sa curiosité, le Ciel lui aurait infligé un torticolis à perpétuité !
L'église de Solre le Château comporte en outre des raretés architecturales telles qu'un porche ouvert sur trois côtés et un double transept qui élargit les bras de la croix et donne de la profondeur à l'édifice.
Il a été construit en 1574 et ne comportait, à l'origine, qu'un seul étage. Il possédait aussi un escalier extérieur et un gracieux beffroi en saillie, à six pans. En 1865, l'édifice fut profondément remanié, gagnant un second étage, mais perdant son escalier extérieur et son beffroi, qui lui donnaient un caractère Renaissance. Les portes sont en plein cintre, de même que les fenêtres.
Ce type d'architecture est très rare dans l'art régional qui utilise le plus souvent la baie carrée à meneau cruciforme, l'arc en anse de panier ou l'arc en segments. Le bâtiment comportait au rez-de-chaussée un marché couvert, maintenant occupé par les bureaux de la mairie.
On peut encore distinguer sur les clefs de voûtes des anciennes portes de l'Hôtel de Ville, des inscriptions en lettres gothiques recommandant la probité aux marchands de la halle, dont voici la transcription littérale (hors abréviations) :
Côté église (baie vitrée) Vous qui venes marchander en ce lieu, Gardes-vous bien, pour plus ample proufit, Par tromperie, offenser le bon Dieu Duquel la grâce, à tout bon cœur suffit.
Côté Grand-place (passage) 1574 Quiconcque vient icÿ pour marchander Ne veuille point, pour le plus de gaignage, Par fraude ou vol son âme hasarder, Car perdre l'âme est souverain dommage.
Côté place Verte (passage) Soÿes léaulx. Uses de conscience. Gens qui traictes icÿ la marchandise, Ne gaignes riens avec divine offense, Car mauldite est richesse mal acquise.
Le 21 décembre 1942, un avion de bombardement anglais, s’écrase à Solre-le-Château. Les sept membres de l’escadron 103 de la RAF, un Australien et six Britanniques, sont tués. L’avion Avro Lancaster W4787 n’avait que 49 heures de vol lorsqu’il a décollé le 21 décembre 1942, à 17 h 28, d’Elsham Wolds, une petite bourgade d’Angleterre. À bord, l’équipage était composé de sept jeunes militaires âgés de 19 à 27 ans, six Britanniques de la Royal Air Force (RAF) et un Australien de la Royal Australien Air Force (RAAF). Leur mission, comme les 137 avions qui ont pris part à ce raid aérien, note Bernard Feutry, bombarder la ville allemande de Munich. Ce raid fut un échec total, les bombes larguées tombèrent hors de l’objectif. Sur 137 avions qui partirent pour cette mission, douze ne rentreront pas. À 23 h 10, l’avion touché par la défense anti-aérienne allemande s’abat en flammes, dans une prairie située à la ferme du Moulin à Vent.
Les sept aviateurs : John Colin McIntosh Rose (RAAF) ; Frank John Fisher (RAF), Gordon Thomas Hawkins (RAF), Peter Laird Donald (RAF), William Edward Ryan (RAF), Edward Jack Smith (RAF), Frederik Trimmer (RAF). Le lieutenant John Colin McIntosh Rose, pilote de la RAAF, avait 21 ans. L’officier s’était distingué lors de plusieurs combats aériens et avait été décoré de la médaille
" Flying Cross ". La stèle a été inaugurée le 27/08/2017
Le mégalithe dit * Pierre de Saint Martin ou Pierre Martine * à Solre le Château.
1 - Ce mégalithe est actuellement composé d'une pierre de forme trapézoïdale au pied de laquelle se trouvent deux blocs brisés. On l'appelle Pierre de Saint Martin ou Pierres Martine. Le plus ancien document qui fasse mention de ce monument a été fourni par M. Delebecke, maire de la ville de Solre le Château qui, le 24 novembre 1819, écrivait la lettre suivante au sous-préfet d'Avesnes : Sur la plaine, à la distance de 1 kilomètre du centre de la commune, est une pierre (grès dur), de forme pyramidale, de la hauteur de 10 pieds sur 6 pieds de diamètre en bas (Le pied valait environ 0m30.). Elle est vulgairement appelée Pierre de Saint Martin; on y ce remarque d'un côté, la forme empreinte du derrière d'un homme de la tète au pied. M. Delebecke ajoute : La tradition populaire était, il y a trente ans (Vers 1789), que l'ancien évêque de Tours, ou plutôt le cavalier qui devint évêque, passant de Liessies à Solre le Château, s'était reposé contre cette pierre et que la chaleur surnaturelle dont son corps était vivifié, a opéré la fusion dans la partie touchée. Quoique cette tradition ait perdu considérablement de son crédit, plusieurs personnes ont conservé quelque vénération pour le reste d'une exploitation, sans doute voisine (mais dont on ne voit aucune trace) de carrière de grès. La pierre signalée par le maire Delebecke est un grès tertiaire de l'étage Landénien, zone dite des Sables d'Ostricourt. Cette roche se trouve, en général, ensevelie dans le limon quaternaire en blocs souvent isolés que l'on recherchait jadis à la sonde, pour en faire les excellents pavés utilisés pour toutes les routes du Nord de la France.
3 - Le fait n'est pas prouvé, ajoute mon correspondant, car une personne qui
s'occupait avant guerre des monuments historiques, ayant voulu s'en rendre
compte n'a rien ressenti! Je suis convaincu que les petits blocs brisés qui
gisent actuellement au pied de la pierre restée debout ne sont pas les débris du
petit menhir brisé en 1874. Celui-ci était déjà transformé en pierrailles au
moment de l'intervention du préfet.
Voici sur quoi se base cette opinion : (Elle nous a été confirmée dans une lettre du doyen A. Fabre, datée du 23 juin.) Tout d'abord, les deux petites
pierres n'ont pas la même teinte. (P'') est beaucoup plus rouge. D'un autre côté, il nous a été impossible, à M. de Cagny et à moi, de déterminer par un mesurage soigné, les faces qui auraient dû être en contact avant la rupture, pour constituer le monolithe. Il faut également remarquer que l'on ne retrouve plus sur les morceaux conservés les fameuses empreintes de pieds humains, cependant signalées par divers archéologues. Il faut donc en conclure que la partie de roche qui les portait est disparue. Et puis, il y a sur l'extrémité du plus petit des deux blocs, celui marqué (P') toute une série de cupules, vingt environ, que l'altération de la pierre indique comme étant en cours d'agrandissement, il est certain que cette altération, résultant de la position horizontale de ce débris, a demandé pour se produire un laps de temps bien plus long que celui qui s'est écoulé depuis 1874, date attribuée au transport de ce bloc. Enfin, il existe une tradition paraissant ancienne, qui m'a été répétée de divers cotés, indiquant "que Saint Martin chargé de
la grosse pierre sur laquelle on voit encore la trace de ses doigts crispés aurait déclaré qu'il pouvait encore porter les deux petites si on voulait les lui mettre dans chacune de ses mains" .
Avec M. Jennepin, cité par M. de Mortillet, nous entrons dans le domaine de l'imagination (Bulletin de la Commission historique du Nord 1886.).
II résulte, dit cet auteur, des renseignements précis que nous a laissés Madame Hazard, dont la famille est propriétaire depuis trois générations du champ sur lequel sont assises les pierres Martines, qu'elles étaient autrefois au nombre de cinq, les quatre plus petites se trouvaient à environ 3 mètres de la plus grande, celle qui est encore debout aujourd'hui, autour de laquelle elles formaient un cercle. Son grand-père en céda trois à la ville de Solre-le-Château pour en faire des pavés.
2 - I1 n'en existait pas de carrière proprement dite, et le bloc de Solre le Château a sûrement été trouvé à peu de distance du lieu où il a été érigé, c'est-à-dire, au sommet du plateau qui domine au Sud, la ville de Solre-le-Château (Cote 240). M. Delebecke ne signale qu'une seule pierre à ce monument, et cependant quelques années plus tard, en 1826, M. Lebeau, archéologue distingué d'Avesnes, imprima, dans un de ses ouvrages : « II existe à Solre le Château deux monolithes ayant l'un 3 mètres de hauteur, 5m04 de circonférence, et l m 08 de largeur séparés par un intervalle de 3 mètres. II ajoute : Ces pierres vénérées comme monument du passage de saint Martin sont apparemment des Menhirs ou un monument druidique de l'espèce de ceux qui ont conservé le nom de Marte, Martot ou pierre Martine. Telle est l'origine du nom de pierre Martine, donné actuellement à ce mégalithe. Il n'était pas encore adopté en 1834, puisque M. E. Coquelet, maire de Solre, ne l'emploie pas dans une lettre qu'il écrivait au sous-préfet le 19 juin : II existe, dit-il, dans la commune, deux blocs à 1 kilomètre au Sud de la ville, sur une terre appartenant à un sieur Hosselet, terre dont le sol se compose d'agaise (Argile tertiaire), deux pierres de forme pyramidale et de nature de grès, elles donnent leur nom de saint Martin, à la fâche, ou portion de terre sur laquelle elles sont assises, l'une a en hauteur 3 mètres, l'autre lm80. Z. Piérart, qui écrivait en 1851, nous donne quelques renseignements sur les Pierres Martines; elles sont, dit-il, d'une grosseur peu commune et brutes comme au sortir de la carrière. 11 ajoute que ces deux pierres sont plantées à une grande profondeur dans un champ schisteux qui domine tous les alentours. A l'époque où il a visité ce monument, la petite pierre d'une circonférence de 3 mètres, n'avait plus que 1ш08 de hauteur (Recherche historique sur Maubeuge, 1851.). Le lieu dit « de Saint-Martin » figure dans de nombreux actes anciens, je n'ai pu savoir s'il se trouvait sur le cadastre primitif, car il fut détruit durant la guerre. Sur le nouveau qui date de 1914, les terres entourant le mégalithe ont été appelées « les hérelles (Renseignements fournis par la Mairie). Lorsque en 1862, le gouvernement fit dresser une liste des monuments mégalithiques de la France, on y porta celui de Solre le Château avec l'indication qu'il se composait de deux Menhirs. En septembre 1874, la Commission historique du départe ment du Nord fut informée par le préfet: « de la destruction partielle d'un monument déjà classé : les pierres Martines de Solre le Château. Un cultivateur de l'endroit, voulant sans doute faciliter ses travaux de labourage, a déplacé, sans autorisation, la plus petite des deux pierres, qui s'est brisée en deux parties. Le président de la Commission historique ajoute que le préfet en a donné avis immédiatement à M. le ministre en lui demandant quelles mesures il lui paraîtrait utile de prendre en cette circonstance. Le ministre répond le 20 novembre 1874 : II déplore cet acte de vandalisme et prie M. le préfet de faire tous ses efforts pour ramener le sieur Planard à des idées plus conformes aux intérêts de la science, et obtenir de lui la conservation de la plus grande des deux pierres qui, heureusement, reste encore intacte (Bull, de la Comm, hist, du Nord. Tome XIII, pages 24 et 42.). Cette réponse du ministre paraît singulière à première vue, mais elle s'explique, car il savait mieux que son préfet et que la Commission historique, que le monument de Solre-le-Château n'était nullement classé. En effet, ce ne fut que par un décret du 3 janvier 1889, qu'on vit figurer les pierres Saint Martin sur la liste des monuments historiques avec la mention : Solre-le- Château, deux Menhirs dits les pierres Martines. Ce texte indique qu'on avait oublié en haut lieu que l'un des deux menhirs avait été détruit en 1874, toutefois les débris en furent aussi classés. Ce n'est pas parce qu'il gênait le labourage que le petit menhir fut déplacé et brisé, puisqu'il était dressé dans une prairie; à ce point de vue, il est donc préférable d'adopter la version de M. Dehaisne: (Le Nord monumental, page 7, PI. Ill, 1897.) disant: « que l'occupeur de la parcelle l'avait brisé en cailloutis pour en charger les chemins. » II faut avouer que ce cultivateur était véritablement un esprit fort, ne craignant rien, puisqu'il a bravé la légende qui prétendait que quand on cassait un morceau de ces pierres, on saignait du doigt (J'ai retrouvé une légende analogue à la pierre Brunehaut. ).
4 - Jennepin qui n'a nullement contrôlé ce don en conclut que le mégalithe était un cromlech.
L'enquête à laquelle je me suis livré ne m'a donné aucune confirmation de l'existence des cinq pierres. D'ailleurs MM. Delebeck, Lebeau, Coquelet, auteurs contemporains du grand-père de Madame Hazard en auraient fait mention.
Jennepin ajoute que la face du Menhir tournée vers Solre-le- Château est plus unie que celle qui lui est opposée; c'était par là, dit-il, qu'elle reposait sur un lit naturel avant que la main de l'homme y eût touché, l'autre face, formait la croûte, comme on dit en terme de carrière; et, durant les milliers d'années qu'elle est restée exposée aux intempéries de l'air, la main du temps et l'action des éléments y ont dessiné et sculpté de fantastiques et bizarres bas-reliefs que les croyances populaires traduisaient autrefois en de non moins bizarres légendes. C'est là une grosse erreur géologique, car, au contraire, la face mamelonnée est celle qui occupait la partie inférieure des blocs lorsqu'ils se trouvaient dans leur position stratigraphique naturelle. Quant à l'autre, la zénithale, elle a parfois reçu certaines sculptures de pieds humains ou de sabots d'équidés que j'ai déjà eu l'occasion de signaler. Mais il n'en existe pas au Menhir de Solre-le-Château, on y remarque simplement des stries plus ou moins profondes, larges de 2 à 4 centimètres et de longueur variable, au nombre d'une douzaine, dirigées dans tous les sens, que la tradition considérait naguère comme des traces sacrées des ongles du puissant Saint Martin. (De Mortillet ).
Ces rainures sont tout simplement les empreintes des tiges des végétaux tertiaires qui vivaient à l'époque géologique où la pierre s'est formée et qui y ont été emprisonnées à ce moment. Plusieurs s'enfoncent dans le grès pour en sortir ensuite en laissant dans la pierre de véritables ponts. La trace de l'écorce y est encore visible et permettrait sans doute à un botaniste de déterminer l'espèce de la plante qui lui a donné naissance. La grosse pierre de Solre-le-Château fait actuellement un angle de 30° à l'est avec le nord magnétique ; des fouilles exécutées à son pied n'ont rien donné; cependant M. Deltombe en examinant postérieurement le terrain fouillé aurait recueilli deux fragments d'os humains (humérus et astragale). Ce sont probablement les terrassements effectués à son pied qui l'ont fait incliner au nord-est de 0m40. M. Quarré-Reybourbon a signalé au Congrès archéologique de Tournai du 6 août 1895, qu'on avait trouvé des silex taillés près des pierres Martines. C'est un cas à peu près général pour tous les mégalithes du nord. Les paysans affirmaient anciennement que ce Menhir grossissait d'année en année. Mais depuis que les archéologues en ont eu mesuré soigneusement la circonférence, la croissance a été arrêtée. La pierre de Solre-le-Château avait jadis une forme un peu différente de celle qu'elle présente actuellement si on en juge par un tableau, datant du commencement du XVIIe siècle, dont l'existence m'a été signalée par M. Duvaux, le savant président de la Société archéologique d'Avesnes et qui repose actuellement au musée de cette société. C'est un triptyque dont chaque sœur grise de Solre-le-Château possédait un exemplaire dans sa cellule. Le volet de droite représente la supérieure recevant la religieuse novice à genoux au volet gauche. Le milieu est invariablement le Christ en prière. Derrière la novice se trouvent les pierres Martines de Solre le Château, M. Duvaux a retrouvé trois volets semblables et de plus il a eu connaissance de deux autres tableaux sur lesquels ladite pierre a été également reproduite, on connaît donc ainsi cinq dessins anciens de ce menhir ; chose curieuse, aucun d'eux ne porte le second Menhir, ni, encore moins, le Cromlech de Jennepin. Examinons maintenant le triptyque dont M. Duvaux a précisé la date où il fut dessiné (vers 1600). La peinture est admirablement conservée; le Christ est en prière au pied d'une pierre paraissant taillée ressemblant à un menhir (n'est-ce pas le petit menhir disparu?). Sur celui-ci repose un calice dans lequel un ange aux ailes déployées vient d'apporter une hostie. Près du Christ, les apôtres Pierre, Jacques et Jean dorment d'un profond sommeil. Un hallebardier et deux piquiers s'avancent vers Jésus. Ils portent la braye dite de Bourgogne et des costumes flamands. Le Christ et les apôtres ont la robe juive reproduite avec grande fidélité. Au volet de gauche, la supérieure vêtue d'une robe fleurdelisée avec manteau d'hermine porte un livre ouvert sur lequel est posée une couronne à trois rangées de fleurs de lys. La jeune sœur grise du volet de droite est agenouillée, dans une prairie, ayant pour fond la pierre Saint Martin de Solre-le-Château, Jésus priant près d'un menhir qu'il entoure de ses bras et qui est évidemment un lech du type breton, c'est-à-dire, un menhir christianisé. La novice au pied du monument dit la pierre de Saint Martin, doit invoquer ce saint pour le prier d'intercéder pour elle auprès de Dieu, représenté ici par un menhir christianisé au pied duquel son fils est prosterné. Ce tableau dont l'importance documentaire frappera les préhistoriens, peut être rattaché au fait que signale l'abbé Ledru dans son répertoire des monuments anciens du Maine (1913) : II nous signale un denier d'argent du VIIe siècle attribué à l'évêque du Mans, Béraire, qui représente d'un côté deux personnages vraisemblablement les SS. Gervais et Protais, patrons de l'église du Mans, accostant une pierre surmontée d'une croix maintenue par une armature en fer avec la légende « Cénomanis ». Cette pierre rappelle exactement par sa forme le menhir de la cathédrale du Mans devenu avec sa croix le symbole de la cité chrétienne. On voit ainsi que dès le VIIe siècle, on christianisait les menhirs et on représentait des saints à côté des mégalithes. On peut remarquer par le dessin du tableau dont je viens de donner la description que le menhir de Solre-le-Château n'avait pas au XVIIe siècle la forme qu'il présente aujourd'hui; il existait à sa partie supérieure un petit bloc de couronnement aujourd'hui disparu. En examinant soigneusement la peinture, on aperçoit sur le dessin de la pierre, un joint de stratification qui semble indiquer qu'un morceau de la pierre était prêt à s'en détacher. Le décollement s'étant produit par la suite, le morceau séparé serait tombé sur le sol où il occupe maintenant la position normale que sa chute devait lui faire prendre . Ce serait le bloc (P') dont une des faces correspond à une partie de la plate-forme du menhir resté debout. La silhouette de la pierre reproduite par la peinture se prête mieux à la légende qui veut que Saint Martin montât sur le menhir qu'il avait apporté pour évangéliser la contrée. La partie tombée pouvait en effet lui servir soit de parapet, soit de siège, tandis qu'il lui aurait été impossible de se maintenir sur la petite plate-forme inclinée qui termine actuellement ce monument
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