L'aqueduc romain

Floursies - Bavay

(pour ne pas oublier son Histoire)

Sommaire
Page 01 Introduction Page 10
Les tournelles de Vieux Mesnil
Page 02 Ce que nos anciens ont écrit Page 11 De Vieux Mesnil à Bavay
Page 03 La Fontaine St Eloi à Floursies et les captages romains Page 12 L'aqueduc en chiffres
Page 04 L'aqueduc à Dourlers, Saint Aubin et Ecuélin Page 13 Canalisations en plomb
Page 05 La branche d'Eclaibes, Limont Fontaine et Ecuélin Page 14 Instruments de visée
Page 06 Secteur de Bachant et St Rémy du Nord Page 15 Principe du pont siphon
Page 07 Les bassins et piles à St Rémy du Nord Page 16 Les cartes
Page 08 La traversée de la Sambre Page 17 Contributeurs et ouvrages consultés
Page 09 Le mur de Boussières sur Sambre

La branche Eclaibes, Limont Fontaine, Ecuélin.

Compte rendu d'une expérience, dix ans d'histoire locale par Jean Vaillant.
La découverte : Un jour, coup de tonnerre, un garçon arrive en disant que son vieux voisin connaît, sur ses terres, le passage de la "Buse des Sarrasins" qu'il accroche avec sa charrue. La buse des Sarrasins est le nom donné lors des grandes peurs et superstitions du Moyen Age à l'aqueduc romain Floursies-Bavay. Le lendemain, dimanche, nous y allons. aidés du cultivateur et exhumons des morceaux de brique et de mortier rose. Pas de doute !
Alors, ce fut l'apothéose. Je courus trouver le président de la Société archéologique d'Avesnes qui nous fournit encore des documents rares sur le château et nous donna l'adresse d'un spécialiste des aqueducs romains, M. Jolin à Hautmont. Celui ci fut enchanté. Il avait déjà prospecté Eclaibes sans succès. Il nous aida de toute sa compétence et affabilité. Il venait à Eclaibes presque chaque soir, nous apportant cartes, courbes de niveau, lunettes de visée. Un voisin, garagiste, se passionna lui aussi. Il construisit des sondes munies de tarières pour travailler sans abîmer les récoltes, participa aux recherches et un beau jour, grâce à lui, l'aqueduc fut retrouvé intact sous un mètre de terre : c'est une merveille de maçonnerie faite en briques triangulaires, radier en longues tuiles à rebords, pierres bleues, couvercle en grosses dalles, le tout lié au mortier rose ou blanc.
Les échos .. Gros émoi, jusque dans la presse régionale. Nous eûmes un reportage dans notre classe, et toutes les techniques Freinet sidéraient les journalistes. (Depuis, ils nous demandent l'envoi régulier de notre journal et en publient de larges extraits : Nord-Matin).
Les vacances arrivèrent, notre livre parut. Ses 85 exemplaires furent épuisés en deux jours (220 habitants). Certains en prenaient jusqu'à trois ou quatre pour la parenté éloignée. Les fouilles continuèrent toutes les vacances et 2,4 km d'aqueduc furent déterminés. A la rentrée, d'autres prolongements nous attendaient : nous publiâmes le plan de l'aqueduc et de son tracé. Avec le produit de la vente de nos livres, nous fîmes un voyage en autocar à St·Rémy où l'aqueduc franchissait la Sambre, à Bavay, centre gallo-romain important avec forum, cryptoportique, hypocaustes ... ,


Coupe de l'Aqueduc d'Eclaibes.
Coupe de l'aqueduc au Planti. Jean Vaillant.

puis au musée de Maubeuge, où le conservateur nous fît un exposé magistral sur l'époque romaine. On nous demanda la présentation officielle de nos travaux.
Mes élèves firent une maquette de l'aqueduc, toutes les maquettes des SBT (baliste, currus, cisium ... cierge, tablettes de cire, livres romains), firent les plans d'une villa, des thermes, de l'hypocauste, préparèrent des conférences. Et ce fut, fin octobre, un véritable colloque dans ma classe, entre archéologues chevronnés, personnalités diverses, et mes élèves devenus très savants. Je dus faire une conférence à la Société archéologique d'Avesnes, établir un compte rendu pour la direction départementale des fouilles. Actuellement, les élèves construisent encore des maquettes en plâtre de l'aqueduc pour les musées voisins. Bref, l'intérêt n'est pas près de faiblir. Ce fut donc une expérience réussie. Notre école s'est ouverte à la vie sous de multiples aspects allant jusqu'aux relations sociales les plus bénéfiques. Elle a été un pôle de la culture dans la localité et même au-delà. Et il nous reste un excellent instrument de travail pour l'apprentissage de l'histoire qui profitera encore longtemps, je l'espère, à des générations d'écoliers d'Eclaibes.
Et le virus est toujours là, latent. .. Méfiez-vous-en, chers camarades qui me lisez, car il est là aussi, tapi près de chez vous, à la mairie, dans les greniers, au cimetière et sous vos pieds ... J. v.

L'aqueduc, la branche d'Eclaibes, Limont Fontaine, Ecuélin.
Fig 4 : Le parcours de l'aqueduc à  Eclaibes, Limont Fontaine et Ecuélin. Maurice Gravellini. Le plan en grand format..

Ce qui est remarquable dans la construction de cet ouvrage, c'est le soin apporté à l'édification du conduit d'écoulement.
Des tuiles scellées au fond du conduit, dont les faces supérieures sont rigoureusement lisses et comportent des rebords définissant l'écartement intérieur des parois verticales.
Chacune des parties inférieures de ces parois était constituée de six rangées de carreaux triangulaires superposées jusqu'à hauteur de ce que pouvait atteindre le niveau de l'eau. Voir plus haut la coupe de l'aqueduc au Planti.
Et ces carreaux triangulaires obtenus à partir de plaques carrées dont les chants rectilignes avaient été parfaitement lissés pour constituer le lit d'écoulement de l'eau.
Des précautions qui devaient considérablement améliorer le débit et réduire au maximum le frottement de l'eau sur les surfaces.
Une des faces des carreaux avait été rainurée suivant les diagonales, avant cuisson, pour permettre à l'installateur du conduit, de les briser en quatre parties triangulaires, au fur et à mesure de l'utilisation.
Une méthode de construction toute empreinte de simplification et une savante organisation du travail.
Dans son ouvrage intitulé : Le grand aqueduc de Bavay, Revue du Nord, 1962, Tome XLIV, page 367, Henri Biévelet décrit comme suit le repérage d'un secteur de la branche d'aqueduc d'Eclaibes.
Le 25 août 1962, suivant les indications de R. Jolin, Jean Vaillant et Paul Haine mettaient au jour un aqueduc sur une longueur de 1,10 m. à Eclaibes, tout à l'est de la parcelle 100 (Le Planti) . On est là près de la section de cet aqueduc qu'Alfred Dupond avait vue au cours de l'année 1880, (Mémoire de la Société Archéologique Tome V, 1901, pages 56 à 57) et que René Minon, en 1895, a ainsi décrite dans Hautmont et son Abbaye, pp. 69 et 70 : "La section du canal à Eclaibes où il est encore intact est un rectangle de 34 cm. de base sur 55 de hauteur totale. Le fond se compose d'une tuile posée dans le sens de la longueur qui est de 46 cm. Les deux bords longitudinaux, qui sont redressés et ont 4 cm. intérieurement, font une saillie d'un cm. sur les parois latérales de sorte que, rigoureusement parlant, la coupe est formée de deux rectangles dont le plus petit n'a que 32 cm. de base sur 4 de hauteur. Sur la saillie de la tuile inférieure, pour édifier les faces latérales sont 6 assises de carreaux triangulaires isocèles réunis à leur sommet et dont le côté inégal mesure 25 cm., les autres 20. Ces assises atteignent avec le rebord 39 cm. ; au-dessus sont deux rangs de pierres du pays, qui représentent environ 16 cm. et ne sont reliées par aucun ciment; on les a comparées judicieusement à des pavés usés. ...L'aqueduc est comblé par de la terre éboulée, la maçonnerie est peu solide et se laisse entamer facilement".
Dans la section mise au jour en 1962 le mortier est assez résistant. Il est rose dans les six assises inférieures, dont les matériaux sont des quarts de briques de 27 x 27 cm, brisées suivant les diagonales ; il est blanc dans les deux lits supérieurs, faits de pierres bleues usées 4, et dans le blocage d'éclats de pierre qui consolidait le fond et les parois. Aucune trace de dépôt calcaire, ni sur les tuiles du fond, ni sur les quarts de briques des parois. La couverture est constituée par de larges dalles de pierre bleue posées sans mortier. Des pierres plus petites formaient couvre-joint sur les bords. J. Vaillant et P. Haine, poursuivant leurs recherches, n'ont plus trouvé que d'abondants débris, malheureusement informes, de l'aqueduc ; leurs sondages auront du moins permis de préciser le parcours de celui-ci sur une bonne longueur. Depuis le Planti, il longe la rive ouest de l'Etang du Moulin, maintenant propriété de M. Jean Bruno, traverse les parcelles 76 et 213 et débouche sur le chemin communal en obliquant vers l'ouest, 130 mètres au sud de la mairie d'Eclaibes. De la parcelle 214, de l'autre côté de la route, et à travers les parcelles 209, 323, 28, 75, etc., il semble devoir rejoindre à 800 mètres de là et non loin de la limite de la commune une section d'aqueduc dont nos fouilleurs ont retrouvé de nombreux débris de briques et de maçonnerie dans la parcelle 4. D'après Dupond, Pierre Chevalier et Minon, l'aqueduc d'Eclaibes confluait à Limont-Fontaine avec celui qui venait de Floursies. R. Jolin avait jugé en 1955, p. 83, la chose peu probable, faute de pente suffisante ; mais les dernières découvertes, en lui permettant de relever les niveaux en amont du point de jonction possible, l'ont amené à conclure que l'aqueduc d'Eclaibes semblait bien être une des branches de l'aqueduc qui, partant de Floursies, alimentait Bavay, une autre venant d'Ecuélin.
A la lecture de ce texte, on réalise que le repérage a été défini au seul regard des numéros de parcelle du cadastre ce qui a dû être tout à fait insuffisant pour permettre une représentation correcte et fiable du tracé.
Une triangulation géodésique n'aurait certes pas eu à s'imposer pour déterminer le parcours de l'aqueduc.
Une topographie réalisée à partir de sondages situant la présence du conduit, ou au vu des traces de pierrailles apparaissant sur le sol, aurait permis la levée des différences planimétriques existant entre ces points et l'axe de la route qui relie d'Est en Ouest, le centre d'Eclaibes à la Ferme des Voyaux.
D'autant qu'une erreur de 2,50 m dans le relevé planimétrique d'une distance, n'aurait représenté que 2,5/10ème de millimètre sur le plan n° 17 exécuté au 25/100ème.
Cette même erreur de 2,50 m n'aurait représenté que 5/10ème de millimètre sur le tracé de la Fig 4 du plan n° 17 représenté au 12,5/1000ème.
Se ranger à l'idée que les Romains auraient volontairement fait passer le conduit sous la cote de niveau 165 pour l'orienter ensuite jusqu' à la proximité de la cote de niveau 160, comme on peut le constater reproduit sur la Fig 4, serait un non sens.
On sait que les Romains se sont toujours efforcés de faire décrire un tracé sinueux à leurs aqueducs pour leur donner la pente nécessaire à l'écoulement de l'eau, tout en maintenant le niveau supérieur de l'aqueduc au plus près du niveau du sol.
De l'extrémité Ouest du parcours où Vaillant et Haine interrompirent leurs recherches en 1962 à la limite du territoire d'Eclaibes, l'aqueduc remontait vers le Nord sur le territoire de Limont Fontaine en passant à quelques mètres, à l'Est de la Chapelle des Berceaux. Puis il continuait de progresser vers le Nord en épousant la forme de la courbe de niveau 165.
Il virait ensuite, plein Ouest, au Sud Ouest du centre de Limont Fontaine, pour redescendre ensuite vers le Sud à l'Est de la Ferme des Voyaux. Fig 4.
Après avoir décrit un parcours longeant sensiblement la courbe de niveau 160, il bifurquait finalement vers l'Ouest pour franchir la vallée du Ruisseau des Voyeaux au moyen d'un siphon posé sur un passage qui existe encore et qui présente une dénivellation d'environ 7 mètres.
Il est devenu aujourd'hui un petit chemin d'exploitation utilisé pour franchir la vallée du ruisseau des Voyeaux et rejoindre le Bois du Temple au travers du Bois d'Eclaibes. Fig 4.
Ce passage a été quelque peu surélevé en son point bas pour permettre la formation d'un barrage et favoriser la formation d'un plan d'eau, aujourd'hui connu sous le nom de Etang des Voyeaux. Le siphon rejoignait finalement le conduit principal sur la rive gauche de la vallée, à la cote de niveau 150 au Nord du village d'Ecuelin.
Comme ce fut le cas pour le franchissement en siphon de la vallée du ruisseau de la Braquenière, les tubes ne furent pas posés directement sur le sol . Ils durent être entourés d'un savant revêtement isolant, soigneusement recouvert et capable de tenir la siphon hors gel, durant les périodes d'hiver.
Aucune trace des tubes en plomb qui constituaient ce siphon ne subsiste aujourd'hui.
Dans sa notice intitulée "L'aqueduc de Foursies à Bavay" René Jolin déclare avoir trouvé sur la rive droite du ruisseau à proximité de ce passage plusieurs pierres plates semblables à celles qui recouvrent les aqueducs, ainsi que de nombreux morceaux de briques rainurées, et des briques à rebord formant drain. Actualités industrielles du Nord.
Il s'agissait probablement de surplus de matériaux inutilisés lors du raccordement du conduit aqueduc avec le siphon.
La longueur totale de cette branche d'aqueduc était environ de 5 km, non comprise la longueur du conduit qui sépare le site de Le Planti du point de captage de l'aqueduc.
A ce propos, il serait intéressant de remettre au jour ce tronçon d'aqueduc découvert au milieu de la pinède située au Sud du Grand Etang du Moulin. Ce secteur est aujourd'hui très dégradé et assez isolé par les éboulis qui l'ont en partie envahi. Il en est de même pour le talus de pinède où avait été exhumé le tronçon d'aqueduc, devenu difficilement pénétrable en raison des pluies qui, depuis soixante ans, drainent des eaux boueuses et jaunâtres qui l'ont rendu assez marécageuse.
La croix figurant sur la Fig 4 indique l'endroit où fut découvert le tronçon en question. Il est aujourd'hui à peine repérable.
Reste également à découvrir le point de captage de l'aqueduc qui semble devoir être recherché à l'embouchure de deux ruisseaux, dont l'un prend sa source au Sud du Bois du Temple et l'autre plus à l'Est au milieu du Bois du Roy: ces deux ruisseaux confluent, l'un près de l'autre, avec le cours d'eau qu'alimente la Fontaine des Fièvres, et qui se jette, plus au Nord dans le Grand Etang du Moulin.

Vue aérienne d'Eclaibes, photo de Pascal Méresse

Sur cette vue aérienne, on peut voir au premier plan (parcelle 213, carte ci-dessous) des monticules de terre qui suivent le tracé de l'aqueduc que Jean Vaillant et Paul Haine ont découvert à Eclaibes en 1962. Ce surplus de terre correspond en fait au volume que représente le conduit. (Photo de Pascal Méresse)

Aqueduc Floursies Bavay, carte de Jean Vaillant
L'aqueduc sur le territoire d'Eclaibes. Plan N° 16 de Jean Vaillant et Paul Haine (1962). Voir en grand format.


*Sommaire*